De plus en plus, il semble que les gens osent l’aventure immobilière sans recourir aux services d’un courtier. Mais ce dernier est toujours bien présent dans le paysage immobilier.

Quand vient le moment de vendre sa maison, la majorité des gens fait d’ailleurs encore affaire avec un courtier immobilier. Mais pour acheter, une hésitation semble persister. Au final, qu’est-ce que le fait de faire affaire avec un courtier pour l’achat change dans le processus, tant pour le vendeur que pour l’acheteur ? Quelle est la place du courtier immobilier en 2019 ? Portrait d’une réalité qui évolue à vitesse grand V.

Selon François Des Rosiers, professeur au département de finance et assurance immobilière de la faculté des sciences administratives de l’université Laval, il est certain que le recours aux courtiers immobiliers n’est pas prêt de disparaître. « Ne serait-ce que par les pancartes dans les rues, on voit bien que c’est encore la norme. Je dirais qu’ils sont présents dans 70% des transactions ».

Dans un marché en ébullition, on pourrait être tenté de se passer d’un courtier. Ainsi, quand le marché est très actif (comme c’est le cas présentement) les maisons ne restent pas sur le marché très longtemps. On assiste même souvent à des surenchères. Dans un tel contexte, il peut être tentant d’essayer d’éviter le versement d’une commission à un courtier. Or, quand marché est plus lent, un agent est susceptible de faire la différence. «Il y a toutes sorte de courtier. Il y en a de très bons, très actifs. D’autres vont se contenter d’inscrire propriété. Ça dépend aussi s’il est spécialisé dans le secteur en question », nuance François Des Rosiers.

 

Une culture qui évolue

Mais qu’en est-il de faire affaire avec un courtier pour l’achat spécifiquement ? Si certains doutent de la pertinence d’un tel partenariat, c’est qu’au Québec ce n’est pas tout à fait la norme. « Ici, les courtiers lors de la vente sont beaucoup plus populaires. La tradition du courtier à l’achat commence à prendre de l’expansion », avance François Desrosiers. « Dans le domaine commercial, en immobilier, c’est beaucoup plus monnaie courante et ça fait partie de la culture actuelle », précise-t-il.

Me Amel Barkati est notaire et travaille beaucoup avec des particuliers qui achètent ou vendent leur bien immobilier. Elle constate pour sa part que plusieurs acheteurs dans sa pratique ont recours aux services d’un courtier. Et quand ce dernier fait bien son travail, même le rôle du notaire est simplifié! « De mon expérience, les gens ne veulent souvent pas avoir à gérer une relation avec le courtier du vendeur. Le lien de confiance n’est pas établi, ils ont peur » remarque-t-elle. « Considérant qu’il est strictement interdit pour un agent vendeur de favoriser une offre d’achat sans courtier (pour éviter de partager sa commission) cela devient d’autant plus intéressant de faire appel à son propre courtier », souligne la notaire.

Selon Anouk Vidal, courtière et vice-présidente du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, il n’y a que des avantages pour un acheteur de faire affaire avec un courtier. « La plupart des gens apprécient de se faire accompagner par un professionnel, surtout qu’il n’ont pas à débourser plus d’argent puisque le courtier de l’acheteur est payé par le vendeur », souligne-t-elle. Concrètement, le courtier engagé par l’acheteur fera ressortir les forces et faiblesses des propriétés afin de s’assurer que l’acheteur paye la juste valeur. Il sera également en charge de mener les négociations, une étape qui en intimide plus d’un. « Personnellement, je me vois comme un chef d’orchestre », dit Anouk Vidal « Je vais faire le pont entre les différents acteurs et guider l’acheteur auprès de professionnels compétents, tout en respectant les divers délais ».

 

Acheter du neuf avec un courtier

Tout d’abord, il est important de préciser que, tant pour l’achat d’une maison neuve que pour l’achat d’une maison plus âgée, les devoirs et obligations des courtiers immobiliers sont les mêmes. Et c’est l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), en tant qu’autorité du courtage immobilier, qui s’assure que les courtiers travaillent en tout respect de la Loi sur le courtage immobilier, rappelle Marie-Ève Bellemare-Tessier, agente aux communications de l’organisation.

Lorsqu’un consommateur désire acquérir une propriété résidentielle neuve ou sur plan d’un promoteur ou d’un constructeur, le Code civil du Québec exige l’utilisation d’un contrat préliminaire, au lieu de la Promesse d’achat qu’emploie le courtier lors d’une transaction visant un immeuble usagé. Le contrat préliminaire de vente doit contenir les mentions exigées par le Code civil du Québec, dont la ventilation du prix de vente et un droit de dédit de dix jours en faveur de l’acheteur.

À noter : contrairement à ce que l’on peut penser, les courtiers ne négocient avec les promoteurs pour obtenir leur rétribution. « Le courtier immobilier reçoit plutôt sa rétribution de son client, l’acheteur de la propriété. Cette somme, négociée à l’avance entre le courtier et son client, est consignée dans le Contrat de courtage – Achat que les deux parties doivent signer », souligne Marie-Ève Bellemare-Tessier.
Courtier ou pas ?

Par ailleurs, le courtier immobilier ne pourra travailler pour un constructeur ou un promoteur immobilier qu'à son compte ou via son agence immobilière, conformément au contrat de courtage conclu avec ce constructeur/promoteur. Il devra ainsi s'identifier comme courtier immobilier sur toute publicité, et collaborer à des conditions raisonnables avec tout autre courtier ou agence qui en ferait la demande.

Parfois, dans le cas du neuf, l’acheteur ne fait pas la différence entre un courtier et un vendeur. Les promoteurs et constructeurs ne font d’ailleurs pas toujours appel à des courtiers pour vendre leurs propriétés neuves. Or, il est pertinent de vérifier que l’on fait bel et bien affaire avec un courtier immobilier puisque le fonds d'indemnisation du courtage immobilier de l'OACIQ ne pourra venir en aide en cas de problème que si une des deux parties impliquées est un courtier agrée. Une transaction effectuée par un simple vendeur ne sera également pas soumise à la loi sur le courtage immobilier du Québec.

 

Et si l’acheteur s’intéresse à une maison qui n’est pas représentée par courtier ?

Cette situation se produit de plus en plus ? Il y a alors deux situations possibles :

le client acheteur a signé un contrat de courtage. L’acheteur devra alors mentionner à son courtier les propriétés qui l’intéressent même si elles ne sont pas sur Centris (ex : via particulier, promoteur). Le courtier sera responsable de planifier les visites et accompagner ses clients dans le processus d’achat. Celui-ci sera rémunéré selon les termes entendus dans le contrat de courtage d’achat. « Il est important de savoir qu’il est possible de déduire sa rémunération à même es fruits de la vente en utilisant le formulaire Annexe Financement » précise la notaire Amel Barkati. « Le tout fera partie des négociations avec le vendeur et celui-ci devra considérer les frais dans le prix de vente ».
Le client acheteur n’a pas de contrat de courtage. L’acheteur a le choix de faire affaire directement avec le vendeur sans impliquer son courtier puisqu’il n’a pas de contrat le liant directement à lui. Cependant, si l’acheteur désire retenir les services de son courtier afin d’être bien représenté/protégé il pourra lui demander de le représenter pour les propriétés convoitées. Le courtier devra alors remplir le contrat de courtage avec ses clients et d’entendre sur sa rémunération pour les services rendus. Celle-ci variera selon le courtier. « Les particuliers sont souvent très ouverts à l’idée qu’un courtier amène ses clients et qu’il s’occupe de la transaction. Ça leur facilite la vie et ils sont généralement prêts à débourser une certaine somme pour cela (négociée à même le prix de vente) », confirme Me Barkati.

Transparence et conflit d’intérêt

Plusieurs se demandent s’il n’y a pas conflit d’intérêt (ou apparence de) lorsqu’un courtier représentant l’acheteur est mêlé à la joute. Après tout, le courtier étant payé par le vendeur, les parties en jeu pourraient avoir intérêt à vendre au prix le plus élevé possible, par exemple. « En théorie, les deux courtiers travaillent ensemble pour arriver à un prix satisfaisant pour tous. En théorie. », dit François Des Rosiers Si le courtier représente les deux parties (ce qui est techniquement permis) le risque semble encore plus grand. « Depuis 30-40 ans, il y a beaucoup de débats à savoir si un courtier devrait pouvoir représenter à la fois l’acheteur et le vendeur. C’est controversé », confirme le l’expert en gestion urbaine et immobilière.

Silva V., elle, l’a appris à ses dépends. Son expérience d’achat avec courtier a été désastreuse. « Il s’est avéré que mon agent était un ami des vendeurs, ce que je ne savais pas. Parmi ses manquements, il a omis de me mentionner plusieurs vices cachés connus », raconte-t-elle. « C’était ma première expérience, ce qui est déjà assez stressant en soi. J’ai finalement eu vent du conflit d’intérêt par le biais d’une connaissance. Lorsque confronté, mon courtier n’a pas nié. On a réglé à l’amiable devant notaire car je n’avais pas envie de me retrouver aux petites créances ».

Anouk Vidal croit tout de même que les particuliers qui font affaire avec des courtiers sont très bien protégés et que ce genre de situation n’est pas la norme. « Au contraire, les gens qui font affaire avec un courtier, dans un sens comme dans l’autre, sont rassurés de savoir qu’ils sont protégé par la loi sur le courtage et par des règles d’éthique strictes », assure-t-elle. « Quant au fait d’un seul agent représentant les deux courtiers, c’est quelque chose qui se fait mais évidemment ça doit être divulgué. De toute façon c’est assez apparent, ça se cache difficilement », ajoute la vice-présidente du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec. Toutes les propriétés, peu importe la couleur du courtier, sont par ailleurs affichées sur le site de Centris, histoire de faire une double vérification.

Stéphanie D., elle, a justement tenu à faire affaire avec un courtier pour acheter sa propriété. « Après la première offre d’achat, avec le courtier du vendeur, nous avons décidé d’aller avec un courtier qui travaillerait uniquement pour nous. Nous n’avions pas l’impression d’avoir toute la transparence souhaitée », explique-t-elle. Et c’est sans regret. « Nous sommes très satisfait. Notre courtière était très professionnelle, dynamique, travaillante. Elle nous renseignait et répondait à toutes nos questions, comparait à d’autres cas rencontrés dans sa pratique, etc. On avait l’impression qu’elle travaillait pour nous, c’était facilitant », conclut-elle.

Protection et vérification

Comme pour toute profession, il y a des bons et des moins bons courtiers. « Il y a des gens qui travaillent mal dans tous les domaines, incluant celui du courtage immobilier », souligne Me Barkati. « Il ne faut pas oublier qu’il ya toujours possibilité de porter plainte le cas échant. » dit la notaire. En effet, la Loi sur le courtage immobilier donne à l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) le pouvoir d’imposer des amendes, ou encore d’appliquer des sanctions allant de la réprimande à la révocation de permis en passant par la suspension. L’organisme indépendant outille et accompagne également l’individu dans le cheminement de la plainte, et son site web regorge par ailleurs d’information pratique.
Mais avant même de choisir son courtier, quelques vérifications sont de mise. Pour ce faire, l'OACIQ a mis en place un Registre des titulaires de permis, qui permet d’obtenir les coordonnées d'un courtier, vérifier la validité de son permis, parcourir la liste de formations qu'il a suivies et savoir s'il a déjà fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

Outre ces vérifications plus techniques, il est pertinent de prendre le temps d’analyser le profil du courtier qui nous intéresse et de se poser quelques questions. Par exemple :

  • Le courtier connait-il les secteurs qui m’intéressent?
  • Combien d’années d’expérience a-t-il ?
  • Ais-je une bonne référence?
  • A-t-il beaucoup de disponibilités?

Les limites d’internet

Impossible d’aborder ce sujet sans mentionner l’impact d’internet et de la technologie sur le domaine immobilier. « À long terme, il est certain que les nouvelles technologies transforment une grande partie des secteurs d’activité », confirme François Des Rosiers. « Mais ce n’est pas toujours pour le pire. Il y en a qui grâce à internet sont désormais capables daller chercher une clientèle particulière, ou vendre une propriété plus difficile », ajoute-t-il. Le courtier a donc encore sa place mais devra s’adapter. Un exemple pratico-pratique de changement amené par la présence des sites et ressources en ligne : les acheteurs visitent beaucoup moins de maisons, faisant déjà un premier tri virtuel. Quand ils se déplacent, l’intérêt est déjà beaucoup plus marqué et donc une vente plus probable.

Pour Anouk Vidal, internet a au contraire permis aux courtiers de confirmer leur valeur et leur compétence. « On a appris à prouver que nous étions beaucoup plus qu’une enseigne devant la maison. Il y a tout un accompagnement et un savoir qui est offert dans ce service », affirme-t-elle.

Il faut dire que le fait de réaliser une transaction immobilière, que ce soit une vente ou un achat, restera toujours un processus hautement émotif. On dit même que l’achat et l’emménagement dans la première maison serait un des évènements les plus stressants dans une vie. Et ça, la technologie n’y changera rien. « C’est toujours rassurant d’être accompagné par un humain, par quelqu’un qui a déjà vécu le processus plusieurs fois et qui peut défricher le terrain avec nous », reconnait Arthur F. « Nous avons fait affaire avec un courtier pour acheter notre première résidence familiale. Ce dernier s’est occupé de la logistique et de tout le coté administratif. Sans compter le soutien pour la négociation, qui n’est pas mon fort. Je considère que ça m’a sauvé temps et argent », conclut-il.

 

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