Nous serons pris pendant longtemps avec le Coronavirus et les façons de faire changeront dans plusieurs aspects de nos vies, y compris l'achat d'une habitation. Et la vente de maisons neuves et de condos neufs ne se fera plus comme avant.

Les mesures prises pour faire face à la COVID-19 bouleversent nos habitudes dans toutes les sphères de notre vie. Les observateurs s’entendent : le commerce électronique et le marketing numérique, à l’exemple du télétravail, connaîtront un essor marqué, même lorsque la crise sanitaire sera derrière nous. Pour preuve, le e-commerce a explosé au Québec dès le mois de mars selon Adviso, firme d’experts en stratégie et marketing numériques : « On parle d’une augmentation de 118% par rapport aux transactions en ligne l’an passé sur la même période, » indique Jean-François Renaud, expert numérique pour l’entreprise.

Histoire de ventes

Au tout début de la crise, Elian Sanchez, associé chez Six Agence immobilière, a tout mis en place afin que son entreprise s’adapte rapidement et poursuive ses activités à distance : « En mobilisant nos équipes, en adaptant notre stratégie marketing et en supportant les vendeurs avec du matériel sur mesure, des visites virtuelles, des plateformes adaptées à la nouvelle réalité, nous avons pu répondre à la demande, car malgré le contexte, les gens désirent acheter. » Une trentaine d’unités ont été vendues ces dernières semaines par la boîte de courtage immobilier spécialisée dans les projets neufs, se réjouit monsieur Sanchez : « Je suis optimiste. Il y a un ralentissement pour les projets plus abordables, mais dans le moyen et le haut de gamme, les effets négatifs m’apparaissent très légers. »

Nouveau contexte

Avant la crise du coronavirus, le marché immobilier du Grand Montréal était très actif, confirme Joanie Fontaine, économiste chez JLR Solutions foncières : « Nous vivons un moment d’incertitude. Une majorité de consommateurs remettent leur projet immobilier, mais il y a toujours des gens qui ont la nécessité de se loger. » Selon madame Fontaine, la santé du marché montréalais amoindrira l’impact de la pandémie : « Comme les nouvelles inscriptions sont très peu nombreuses, l’offre se restreint. C’est une situation différente d’une crise économique. En fait, c’est une situation jamais vue pour laquelle il est difficile de prévoir les suites. On peut toutefois affirmer que le ralentissement que vous vivons sera moins dommageable à Montréal qu’en région. »

Adapter sa stratégie

Dans le contexte économique québécois et canadien, les entreprises qui tirent bien leur épingle du jeu sont celles qui réagissent au quart de tour, et s’adaptent à la nouvelle donne sans hésiter. « L’ère du virus n’est pas finie, commente Denis Sauvé, associé chez Guide habitation. La situation accélère le progrès numérique. Je crois qu’il y aura moins de contacts en personne et un cycle de vente plus long. » Cela se traduit pour les promoteurs par la nécessité de mieux cibler, attirer et retenir les acheteurs potentiels dans leurs recherches à distance. Maurizio Furno, lui aussi associé chez Guide Habitation déplore que le secteur de la construction fasse parfois figure de dinosaure en matière de nouvelles technologies: « Les outils existent. C’est l’opportunité pour l’industrie de recycler ses façons de faire pour faire face aux nouveaux paradigmes. »

Prendre le virage

Comment les promoteurs vont vendre davantage pendant l’ère qui commence? D’abord en offrant une expérience numérique optimale croit Denis Sauvé: « Le bureau des ventes devient moins attrayant qu’auparavant. Dans la prochaine année, nos comportements vont changer : une grande partie de la sélection se fera sur Internet. En somme, avant, nous évoluons encore dans une « culture de vendeurs », alors qu’aujourd’hui, ce sont plutôt des acheteurs… qui recherchent! »

À lire : Acheter une maison neuve au temps du Corona

achat-habitation-neuve-531159469

Boulot, condo, techno

Chez Six Agence immobilière, les vendeurs ont tous été coachés pour adapter leurs pratiques aux nouvelles réalités, raconte Elian Sanchez : « En vidéoconférence, les acheteurs ont accès à toute notre documentation, au même titre que ce qu’ils auraient eu auparavant dans un bureau des ventes. Parcours de présentation interactif avec partage d’écran, rendus artistiques photo-réalistes, des images de drone, une modélisation des condos modèles, avec plan, prix, visite virtuelle en HD et projection financière, l’expérience client est complète. Il ne manque que la poignée de main! » Monsieur Sanchez s’explique mal pourquoi certains promoteurs ont tout mis sur pause en attendant de rouvrir leur bureau de vente : « Le marché dicte tout. Pour perdurer comme entreprise, il fait embarquer rapidement dans la transition et bonifier son service à la clientèle. C’est l’élite des équipes de vente qui se sortira le mieux de cette crise. »

C’est sur Internet que ça se passe!

Pour Jean-François Renaud, de Adviso, il ne fait aucun doute que le marketing numérique sera plus présent que jamais dans le futur : « Internet devient le canal central de vente d’habitation de façon définitive. Les acheteurs ne se contenteront plus d’informations partielles. Ils veulent davantage de photos et de vidéos, prêtes à être partagées avec leur entourage. Des sites rapides, bien référencés, user friendly et et offrant une bonne découvrabilité des contenus. » Monsieur Renaud ajoute que cette évolution répond aux besoins des Millénariaux, génération que se distingue des précédentes quant à ses habitudes d’achat: « Ces jeunes veulent participer davantage, ne pas sous-traiter leur projet en le confiant à un courtier, ce sont des power users, ils désirent contrôler chaque étape. » Denis Sauvé abonde dans le même sens: « Dans un processus d'achat, l'information est cruciale. Si je me mets dans la peau de l’acheteur, je veux connaître les dates de livraison, la taille des unités, les plans, et surtout les prix à jour. Si les images sont belles, si le site web est élégant, riche en information et sans faute d'orthographe, ma confiance augmente et ça pourrait me donner envie d'en savoir plus. »

Vente 2.0

Denis Sauvé croit qu’un bon marketing pourra même se passer de vendeur : « Certains promoteurs pensent encore que le marketing immobilier est une affaire de vente. Je suis convaincu du contraire: c'est une affaire d'achat! De nos jours, on achète n'importe quoi par Internet, sans vendeur, de chez soi, et nous sommes presque rendus à ce stade dans l'immobilier. » Pour Pascal Forget, chroniqueur techno, le courtier devient tel un vendeur certifié d’Amazon, une expertise pour limiter les risques : « Il devient un conseiller certifié pour nous guider à travers les étapes de l’acquisition d’une maison, conseiller qu’on peut ensuite évaluer en lui accordant une cote de vendeur. » Ses conseils aux promoteurs : « Soyez créatifs! Assurez-vous de faire de belles photos en éclairant bien les pièces. Pour les vidéos, faites une mise en scène chaleureuse (feu de foyer, musique, bol de maïs soufflé, etc.), à l’exemple du home staging, pour mettre en valeur une maison. Stimulez l’intérêt avec des Portes ouvertes virtuelles et des photos à 360 degrés. »

Les outils numériques

Pour s’assurer d’une bonne visibilité, les promoteurs doivent investir du temps et des ressources afin d’avoir de bons outils, croit Jean-François Renaud : « Google est une porte d’entrée très importante. Il faut investir intelligemment dans la publicité numérique (qui rejoint davantage les 35 à 45 ans), et l’achat de mots-clés (AdWords, Bing, Facebook, etc.) pour engager un acheteur potentiel sur son site. Il peut être aussi intéressant de compléter en plaçant aussi de la publicité dans les médias traditionnels, les coûts ayant beaucoup baissé dernièrement. »

Service à la clientèle, mix médias et réputation numérique

La rapidité et l’efficacité des communications constituent deux facteurs à ne pas négliger: « Courriel et téléphone, le temps de réponse est crucial, indique Jean-Francois Renaud. La qualité des échanges rassure l’acheteur sur la qualité du service. Il ne fait pas oublier que pour la majorité des gens, acheter une maison demeure l’achat de leur vie. » Maurizio Furno estime que la stratégie de vente et la stratégie marketing vont de pair : « Les promoteurs doivent propulser leurs contenus sur différents médias, traditionnels et virtuels, différentes plateformes. Avec un contenu pertinent et de qualité, de bons mots-clés, ils ressortiront naturellement dans le moteur de recherche. »