Au Québec, un nombre croissant de copropriétés se construit. Les gens, souvent fort occupés par leur vie professionnelle et familiale, aiment la perspective de ne pas avoir à gérer leur immeuble seul. Mais attention, les copropriétaires ont la responsabilité collective de maintenir leur immeuble en bon état. Pour cela, le recours à une société de gestion ou à un gestionnaire, s’il ne résout pas tout, peut être fort utile. Petit guide ce qu’il faut savoir à ce sujet.

À la copropriété Bellerive*, comptant 25 unités, l’immeuble est assez récent (environ 15 ans), mais il commence à avoir besoin d’entretien. Des rénovations majeures seront aussi nécessaires dans une dizaine d’années. Mais, sur ces deux plans, les quatre personnes sur le conseil d’administration y vont à l’aveuglette, car ils ne disposent pas de carnet d’entretien ni d’étude de fonds de prévoyance. De plus, trois des quatre personnes sur le CA croient qu’il faut garder les charges communes basses et advenant une rénovation majeure, ils préconisent le recours à une cotisation spéciale. Aucune tâche de gestion n’est donc déléguée à une société de gestion afin d’éviter une hausse des frais de condo (ce que ne veulent pas ces administrateurs). La quatrième personne qui est la plus impliquée dans la gestion de la copropriété est d’un tout autre avis. Déjà très prise par sa carrière, elle insiste pour l’embauche d’une société de gestion ou d’un gestionnaire, croit que les frais de condo devraient être haussés, déplore le mauvais entretien de l’immeuble (ex. : peinture défraîchie des corridors, rampes de balcons rouillés) et croit qu’une meilleure planification des travaux à effectuer est nécessaire. Elle craint aussi que d’importantes erreurs dans la gestion soient commises à cause du manque de compétence des membres du CA, y compris elle-même. Bref, c’est un peu la bisbille.

À quelques kilomètres de là, il y a la copropriété Beaurivage* (250 unités). Elle est aussi de construction assez récente (environ 10 ans), mais elle est gérée très différemment. Dès l’occupation, les copropriétaires ont fait appel à une société de gestion, elle possède aussi une étude de fonds de prévoyance comptant une centaine de pages et tout est encadré rigoureusement. Par exemple, ils savent que dans 15 ans, la toiture devra être refaite et que cela coûtera au minimum deux millions de dollars. À 250 unités, les administrateurs sont conscients qu’il serait difficile, même dangereux, de gérer l’immeuble uniquement par le bénévolat. Bien sûr, les sept membres du CA ne s’entendent pas sur tout et il y a parfois de vives discussions, mais au moins la société de gestion leur fournit des informations à partir desquelles ils peuvent prendre des décisions plus éclairées. Et aussi, chose importante, plusieurs tâches récurrentes, fastidieuses (et bouffeuse de temps) sont confiées au gestionnaire (ex. : nettoyage du garage, des corridors, comptabilité).

Au Québec, ce genre de situation s’observe couramment. Par souci d’économie, les petites copropriétés choisissent souvent de tout gérer par bénévolat. Or, dans les immeubles de 20 unités et moins (80 % des copropriétés au Québec, selon la revue Protégez-vous, 2016), les copropriétaires choisissent souvent de s’occuper eux-mêmes de la gestion. Malheureusement, dans ce mode de gestion, une ou deux personnes sur le CA se retrouvent souvent à en faire plus que les autres, ils s’épuisent, se démotivent et veulent tout abandonner. Y aura-t-il des gens dans l’immeuble pour les remplacer? Rien n’est moins sûr. La perspective de travailler de longues heures sans rémunération (ou avec une rémunération très faible) en rebute plusieurs. Le projet de loi 16 qui vise à améliorer la gestion des copropriétés améliorera-t-il les choses?

Mieux encadrer les gestionnaires de copropriétés

Bien que cette législation rendra obligatoire la réalisation d’une étude de fonds de prévoyance, révisable aux cinq ans, et l’obligation d’avoir un carnet d’entretien (notamment), rien n’est prévu pour encadrer les gestionnaires de copropriétés. Plusieurs organismes l’ont déploré lors de la Commission de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, tenue en mai dernier, pour analyser le projet de loi 16. Cela a été le cas du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ). Dans son mémoire, il prône un meilleur encadrement de la profession de gestionnaire de copropriété. Il faudrait, selon le RGCQ, qu’elle soit encadrée par un ordre professionnel, qu’elle soit assujettie à un code de déontologie, que le gestionnaire ait une assurance responsabilité, que ses clients aient accès à un fonds d’indemnisation et qu’il dispose d’un compte en fidéicommis lorsqu’il gère les avoirs d’autrui. Pour le RCGQ, il est aussi impératif que la personne ou la société qui désire gérer des copropriétés ait l’obligation de suivre une formation.

L’Ordre des administrateurs agrées (AdmA), dans son mémoire, croit aussi qu’il est essentiel que le gestionnaire soit membre d’un ordre et il croit que son organisme est bien placé pour jouer ce rôle. Plusieurs gestionnaires de copropriétés sont d’ailleurs membres de l’AdmA. Pour les trouver, il suffit de se rendre sur le site de l’Ordre, cliquer sur l’onglet « trouver un AdmA », mentionner l’expertise recherchée (ici : gestion de copropriété) et une soixantaine de résultats sortiront. Pour l’AdmA, il est impératif d’agir rapidement pour mieux encadrer la profession, car « il ne fait plus de doutes que de nombreuses copropriétés sont actuellement mal gérées ou connaîtront dans les prochaines années des problèmes majeurs liés à une gestion déficiente. »

L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) croit aussi la profession de gestionnaire de copropriété doit être encadrée et elle propose aussi de jouer ce rôle.

Bien choisir sa société de gestion ou son gestionnaire

En attendant de voir si le gouvernement modifiera sa législation pour mieux encadrer les gestionnaires de copropriété, il est tout de même possible pour les membres d’un CA de choisir un bon gestionnaire.

En fonction de la littérature trouvée sur le sujet sur Internet, voici ce qui devrait être considéré dans le choix d’un gestionnaire, apte à faire le travail professionnellement :
D’abord, s’assurer que le gestionnaire est membre de l’AdmA. Cela offre une plus grande protection, car cette personne est soumise à un code de déontologie et à une réglementation professionnelle. De plus, en cas de problème (ex. : une fraude), les copropriétaires auront droit à une indemnisation.
On doit vérifier les antécédents criminels du gestionnaire visé.
On doit discuter avec les copropriétaires que l’on connaît et qui ont recours à un gestionnaire pour connaître leur expérience et savoir s’ils sont satisfaits.
Enfin, il est prudent de sélectionner, avant le choix final, au moins trois gestionnaires afin de comparer leurs tarifs et les services qu’ils offrent. Bien que plusieurs sont polyvalents, certains sont plus spécialisés dans la gestion financière et d’autres dans la gérance de travaux.

Une fois le (bon) gestionnaire choisi, il sera très utile pour effectuer plusieurs tâches répétitives et fastidieuses comme la gestion administrative (ex. : rédaction des procès-verbaux d’assemblée), la gestion financière (ex. : comptabilité courante, perception des frais de condo) et la gestion technique et immobilière (ex. : entretien, recherche des meilleurs intervenants pour les réparations majeures, supervision des travaux).

Prendre des décisions éclairées

Le recours à un gestionnaire ne libère toutefois pas les membres du CA d’une copropriété de prises de décision dans des dossiers cruciaux. Par exemple, dans le cas du remplacement d’une toiture, le gestionnaire pourrait conseiller deux ou trois entrepreneurs aptes à faire le travail et en fin de compte, ce sera aux membres du CA de choisir la personne jugée la plus appropriée. Pour prendre la bonne décision dans ce cas et dans bien d’autres, les membres du CA doivent toutefois posséder une certaine expertise. Or, la bonne nouvelle est que cette expertise peut être acquise lors de formations offertes par divers regroupements ou associations.

Outre le RGCQ, l’Institut de la copropriété du Québec (ICQ) et l'Association des syndicats de copropriété du Québec (ASCQ) et la Fédération des copropriétaires du Québec offre des formations aux membres de CA. On peut en trouver, par exemple, sur les assurances, le fonds de prévoyance et les aspects techniques de la copropriété. Certaines sont plus générales comme celle offerte par le RGCQ intitulée « l’ABC de l’administrateur » qui permet de renforcer leurs compétences. Ces organismes donnent aussi accès à des documents portant sur divers aspects de la gestion en copropriété. Toutefois, il faut souvent être membre de ces organismes pour y avoir accès.

À noter aussi que l’université McGill offre un certificat de perfectionnement professionnel en gestion immobilière résidentielle et des copropriétés.

* Bien que basés sur les faits véridiques, le nom des copropriétés et le nombre d’unités mentionnées sont fictifs pour préserver la confidentialité des administrateurs des immeubles en cause.