À l’occasion du 10e anniversaire de Guide Habitation, voici un retour sur les dix dernières années dans l'habitation neuve, par des observateurs privilégiés de l’industrie.

Un marché immobilier en hausse

L’augmentation du prix des terrains de la région métropolitaine de Montréal est assurément un des phénomènes les plus marquants de la dernière décennie. De 2000 à 2015, le prix des terrains, selon l'indice de prix des logements neufs "composante terrain", a augmenté de 75% dans le Grand Montréal. Francis Cortellino, chef analyste à la Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement (SCHL) : «Le marché de l’emploi stable, les taux hypothécaires bas et la rareté des terrains à Montréal ont exercé une pression à la hausse. Dans ce contexte de croissance économique, les promoteurs ont recommencé à acquérir des terrains et à développer des projets. Cette augmentation est soutenue depuis 2000, bien qu’on assiste à un essoufflement ces dernières années.»

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Ce ralentissement récent s’expliquerait en partie par la forte proportion de condos sur le marché de la revente ainsi que le stock de condos neufs invendus. «L’an dernier, les statistiques sur les mises en chantier globales étaient stables, mais il y a eu 25% moins de nouveaux condos, ajoute monsieur Cortellino. Les promoteurs se tournent désormais vers le marché de l’immeuble locatif. Il apparaît que les appartements neufs se louent bien et vite.» La construction d’habitation unifamiliale – détachée, en rangée ou jumelée – diminue d’année en année: un peu plus de 9000 nouvelles maisons en 2006 mais seulement 3693 l’an dernier. «C’est un changement notable», commente l’analyste, qui s’explique par la hausse du prix des terrains cités plus tôt, et par les plans d’aménagements des municipalités visant à densifier le territoire.» Actuellement, les mises en chantier d’habitation unifamiliales se sont déplacées aux extrémités du Grand Montréal, voire dans les villes de deuxième et troisième couronnes telles que Mirabel ou Saint-Colomban.

Condos: un secteur en ébullition

En prenant un temps d’arrêt pour regarder la dernière décennie, Felix Cotte, consultant en immobilier, note l’effervescence du marché de la copropriété: «Un virage marqué vers la copropriété tous azimuts.» Outre le condo "classique" d’une ou deux chambres à coucher, toujours le plus prisé, on retrouve désormais sur le marché des condos-lofts, des micro-condos, des lofts reconvertis ou neufs, des condos-maison de ville, des studios, des penthouses aux superficies impressionnantes. «Le condominium s’est démocratisé tant au point de vue géographique que social, considère l’observateur, c’est-à-dire qu’on retrouve désormais ce type de propriété autant en banlieue qu’en ville et que le condominium intéresse les consommateurs de tous les âges, jeunes et vieux, même les familles.» Autre tendance, la popularité des condos-chalets de villégiature auprès des jeunes générations intéressées au partage des services et des installations de plaisance.

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Mises en chantier de copropriétés (source de statistiques: SCHL)

Portait-type du condo en 2016

Le condo moyen  comprend deux chambres à coucher et un grand balcon. Des espaces communs et des services axés sur l’art de vivre sont ses principaux arguments de séduction auprès de l’acheteur. En le comparant avec une construction d’il y a une dizaine d’années, on remarquera l’évolution de son design. « 15 à 20 000 unités de condos sont construites tous les ans depuis dix ans, fait valoir Felix Cotte. Depuis les balbutiements de ce type de construction dans les années 80, les constructeurs ont appris de leur expérience et les consommateurs s’avèrent de plus en plus exigeants.» Cela se traduit par des plans intérieurs mieux conçus, moins de perte d’espace, des plafonds plus hauts, une fenestration plus importante et des cuisines mieux aménagées.

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Unifamilial: un secteur en décroissance

La baisse d’intérêt pour la maison unifamiliale neuve n’est pas étrangère à la flambée des prix qu’a connue le marché de l’immobilier. «Les plans d’urbanisme ne favorisent pas l’étalement urbain, explique Jean-François Brunet, consultant en immobilier, mais la densification près des zones de transport en commun, là où les terrains sont coûteux.» Conséquemment, ce produit demeure peu abordable pour les premiers acheteurs. Selon Maurizio Furno, autre consultant en immobilier et associé de Guide Habitation, outre l’augmentation très importante des prix des terrains, l’arrivée tardive sur le marché des appartements en copropriété s’avère une donnée incontournable dans la gentrification du Grand Montréal cette dernière décennie.

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Mises en chantier de propriété unifamiliales (source de statistiques: SCHL)

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Un instantané de la maison unifamiliale en 2016

Le constat de Felix Colette n’est pas tendre: la construction unifamiliale est en chute libre sur l’île de Montréal: «La deuxième et la 3e couronne carburent à la petite unifamiliale jumelée. La demande pour les maisons châteaux et les gros terrains est en baisse. Le délai de vente a doublé.» Il reste néanmoins que pour beaucoup de familles, acquérir une maison neuve est un réel projet de vie. Si on fait un portrait de l’évolution de la maison unifamiliale type depuis dix ans, elle a perdu en superficie, mais gagné en efficacité. Son architecture affirme un style nettement plus contemporain et ses matériaux témoignent d’un souci d’une construction plus écologique.

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Techniques de construction: évolution à vitesse grand V

Bonne nouvelle: la qualité de la construction s’est constamment améliorée depuis 10 ans. Les matériaux deviennent de plus en plus performants tandis que les réseaux de distribution se développent. Internet permet aux constructeurs un accès rapide à l’information sur les dernières techniques de pointe. Le code du bâtiment est mis à jour de plus en plus rapidement. «Les programmes tels que Novoclimat et LEED améliorent la performance énergétique, l’isolation et la qualité de la construction», se réjouit Jean-François Brunet.

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Image: Maisons MDV3 - Uranova

Mise en marché, à l’heure d’Internet

Tous les experts s’entendent: nous avons assisté à une transition du marketing traditionnel vers le marketing web. «80 % des budgets dépensés dans les médias traditionnels sont désormais investis sur le web,» affirme Felix Cotte. Ce virage des stratégies de mises en marché a propulsé les portails spécialisés comme GuideHabitation.ca, les moteurs de recherche et les blogues en immobilier. Désormais, les médias sociaux, Facebook en tête, mais aussi YouTube, LinkedIn, Twitter ou Instagram jouent un rôle-clé dans la promotion. «Avec de tels outils, le client est en mesure de s’informer, de comparer, de poser des questions pertinentes et de négocier,» détaille Felix Cotte.

Internet a multiplié l’information comme les sources d’information et fait de l’image l’argument de vente numéro un. L’imagerie 3D, la vidéo synthétique, les prises de vues au moyen d’un drone facilitent désormais la prévente sur plan. «On peut présenter un projet qui n’existe pas encore de façon spectaculaire», atteste Maurizio Furno.

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Les méthodes de vente 2.0

Maurizio Furno illustre la révolution des méthodes de vente: «Il y a quelques années, la promotion d’un projet s’effectuait par du marketing traditionnel, des journaux de quartier, des publicités dans les grands quotidiens et une roulotte au pied du projet pour accueillir les visiteurs. Aujourd’hui, on accueille les acheteurs potentiels dans un bureau de vente élégant et toute la mise en marché s’effectue dans un contexte raffiné.» Autre phénomène récent: les campagnes de relations publiques avec lancements et événements mondains. «La mise en marché est désormais basée sur l’expérience du client, explique Mathieu Collette, du Groupe Altus, et cette expérience doit être cohérente et complémentaire durant tout le processus.»

Courtiers ou vendeurs

Internet a aussi bouleversé le travail des courtiers en immobilier. La tendance évolue vers des équipes de courtiers spécialisées qui vont utiliser toutes les stratégies web pour faire connaître un nouveau projet de copropriété. «Qu’un promoteur fasse appel à une équipe de vendeurs ou de courtiers, le marketing devient plus créatif, plus innovateur, considère également Felix Cotte, pour aller chercher les acheteurs locaux ou internationaux.»

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Et l’avenir?

Il y aura toujours de la place pour la construction neuve considère Jean-François Brunet: «Après quelques années difficiles, le marché reprend de la vigueur.» Pour Maurizio Furno, la prochaine décennie s’annonce prometteuse: «Les taux d’intérêt demeurent très bas, le marché de l’emploi se maintient et l’immigration est forte, ce qui devrait soutenir la croissance de l’immobilier.» Selon M. Furno, Montréal avait besoin se «se donner une peau neuve» en développant son potentiel immobilier et ainsi rattraper les autres grandes villes canadiennes. «Il y a beaucoup d’ébullition en ce moment, se réjouit l’observateur, au centre-ville, à Griffintown, dans les quartiers comme le Mile-End et le Mile-Ex.»

Merci à Mathieu Collette, directeur division résidentielle Groupe Altus, www.groupealtus.com, à Maurizio Furno, consultant en immobilier, à Jean-François Brunet, consultant en immobilier, à Félix Cotte, consultant en immobilier et à Francis Cortellino, chef analyste, à la SCHL, www.cmhc-schl.gc.ca, pour leur aimable collaboration.