Les gestionnaires de condos neufs sont aujourd'hui plus sensibilisés à la nécessité d'avoir un fonds de prévoyance bien garni. Malgré tout, il reste encore un bon travail de sensibilisation à faire, surtout auprès des petites copropriétés, et une législation plus coercitive à adopter. Mise à jour de la situation.

Mieux vaut prévenir que guérir. Ce proverbe est à très propos lorsque l'on applique à la situation de la copropriété neuve. Pour prévenir, il faut avoir des données en main, ce qui permet de planifier dans le temps les travaux majeurs et les réparations à faire sur la copropriété. Pour cela, une étude de fonds de prévoyance s'avère fort utile.

L'étude de fonds de prévoyance

Cette étude permet de connaître le véritable montant à réserver pour les grands travaux et les réparations majeures, explique Hubert Saint-Pierre, président de Saint-Pierre et associés, une firme spécialisée en développement d'outils de planification pour les copropriétés.

Les complexes de 30 logements et plus font souvent faire cette étude. Pour les petites copropriétés, c'est plus rare. «Elles ont rarement le budget pour l'entreprendre, dit M. Saint-Pierre. L'étude coûte environ 3 000$ pour un ensemble de 20 logements avec ascenseur, de 6 000$ à 10 000$ pour un ensemble de 80 logements et de 15 000$ à 20 000$ pour un gros complexe de 200 logements. Plus l'immeuble est gros et plus il y a d'équipements (gym, piscine, etc.), plus l'étude coûte chère.»

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M. Saint-Pierre affirme tout de même que les gestionnaires de petites copropriétés sont mieux informés qu'auparavant sur la nécessité d'avoir cet outil de planification. «Au cours des cinq dernières années, j'ai remarqué une hausse pour les petites copropriété neuves de 8 à 16 logements.»

Mais il y a encore du chemin à faire. David Touchette, directeur général de Cossette et Touchette, une firme spécialisée en études de fonds de prévoyance, affirme que sa clientèle est composée de seulement 10% de copropriétés neuves.

Les conséquences d'une absence d'étude

En l'absence de cette étude, les gestionnaires se voient souvent forcés d'exiger une cotisation spéciale de le part de leur copropriétaires pour effectuer des travaux urgents. Un sondage dévoilé en septembre 2015 par la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ) et l'Association des professionnels de la construction du Québec (APCHQ) révélait que la plupart des répondants qui ont manqué de fonds pour effectuer des travaux dans leur copropriété ont eu recours à une telle cotisation spéciale. Or, une majorité de syndicats de copropriétés n'apprécient pas cette façon de faire. Compréhensible: c'est toujours déplaisant d'avoir à sortir de grosses sommes de sa poche à des moments imprévus.

N'oubliez pas le fonds de prévoyance

Pour éviter cela, Hubert Saint-Pierre suggère aux gestionnaires de copropriétés neuves de faire une étude de fonds de prévoyance dès l'an un de la copropriété. «Cela permet de mettre des sommes suffisantes de côté, de faire les travaux nécessaires au moment opportun avec un financement adéquat et d'éviter d'éventuelles cotisations spéciales, dit-il.  Plus les copropriétaires commencent tôt à réserver des montants d’argent pour le Fonds de prévoyance, plus ils s’assurent d’avoir des frais de condo stables, sans augmentation subite et sans cotisation spéciale», résume M. Saint-Pierre.

Ce que les acheteurs de condos doivent savoir

Lors de la vente d’une unité de condo neuve, le promoteur doit remettre à l’acheteur la note d'information (dans laquelle se trouve le budget prévisionnel). Elle est obligatoire pour tout ensemble comportant au moins 10 unités de logement (art. 1787 du Code Civil). Pour les ensembles de neuf unités et moins, l’avocat spécialisé en copropriété Yves Joli-Cœur suggère d’exiger quand même l’équivalent des informations contenues dans ce document.

Ce document est essentiel pour permettre à l’acheteur de faire une transaction avisée. L’article 1788 du Code civil donne le détail de ce que doit contenir la note d’information: état des dettes, des recettes, des créances, des débours et les charges communes. C’est ce dernier point qui nous intéresse… Dans le langage populaire, on parle de frais de condo.

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Au début de la mise en vente des unités de condo, «le promoteur est le gestionnaire de l'immeuble tant qu'il n'a pas atteint un niveau suffisant de ventes, dit M. St-Pierre. Il établit lui-même le budget prévisionnel et propose un pourcentage des charges communes à mettre dans le fonds de prévoyance. Ce pourcentage est souvent insuffisant car il n'est basé sur aucune étude et il repose la plupart du temps sur le 5% minimum mentionné à l'article 1072 du Code civil.»

Une réforme attendue

Pour améliorer la situation, une action importante à prendre consisterait à «moderniser» la législation relative à la copropriété. À ce sujet, David Touchette aimerait bien qu'une réforme du Code civil (exigée dans le milieu depuis des années) soit adoptée afin d'être plus exigeant envers les gestionnaires de copropriétés. «L'article 1071 du Code suggère la réalisation d'une étude de fonds de prévoyance, mais il n'y a pas d'obligation et on trouve toujours le chiffre beaucoup trop bas de 5% des charges communes à réserver dans le fonds de prévoyance.»

Alors que cette réforme tarde toujours à être mise en oeuvre, d'autres provinces comme l’Alberta ont adopté des législations plus contraignantes assurant une plus grande protection de leur parc immobilier de copropriétés contre les imprévus financiers.